Sculpture
Sorti du machiavélique atelier de l’inventeur fou Hobz, bien avant la crise pétrolière de 2035 qui plongea le monde dans le chaos, le robot B.B. n’avait rien du légendaire rockeur qu’il devint par la suite. Ses premières décennies ? Il les passa dans le vaste désert de radiation autrefois appelé « Europe ». Loin de toute vie, c’est dans cette atmosphère sordide que B.B. fit ses premiers pas musicaux. S’essayant d’abord à la batterie, grâce aux énormes silos radioactifs qu’il frappait ardemment à l’aide de fémurs humains trouvés ici et là. La révélation des cordes ne lui vint que quelques siècles plus tard quand, par pur hasard, il s’entrava dans ce qui semblait être les boyaux d’un trival (cheval à trois têtes, mutant né des radiations nucléaires). Bien tendus, les boyaux produisirent une onde sonore telle, qu’elle fit frémir jusqu'à sa ligne de code. B.B. déclarera plus tard, dans une interview donnée aux Quatre Galaxies, que ce moment précis aura marqué un tournant majeur dans sa vie cybernétique ! Le jour où la musique devint son ultime raison d’exister. C’est dans cette même année que B.B. fit la rencontre de sa célèbre acolyte Jimmy qui ne le quittera plus. Jimmy, une puce électronique ayant subi des mutations dues aux fortes radiations terrestres, sera présente jusqu'à la fin sur l’oreille du musicien de légende, lui apportant un soutien précieux ainsi que des conseils avisés. C’est d’ailleurs Jimmy, qui, possédant plusieurs téraoctets de connaissance musicale, inculqua les bases du rock à B.B. Il les mit en pratique à merveille avec une guitare faite de débris radioactifs. Enfin, vers l’an 3000, à la suite d’un concours de circonstance, B.B. et Jimmy quitteront enfin le ghetto terrestre et partiront à la conquête de la galaxie. Se forgeant rapidement un réseau dans la scène rock intergalactique, B.B. et Jimmy signèrent leur premier contrat en l’an 3010 avec un certain E.T., producteur frauduleux mais doué pour magouiller quelques bonnes dates dans le système solaire... Les ondes musicales que propageaient B.B. étaient telles qu’elles éradiquaient chez tout être vivant n’importe quelle pulsion de violence, un don que B.B. mit très vite à profit en endormant les guerres au travers de la galaxie lors de concert titanesque. La bête de scène, désormais considérée comme un dieu vivant, était adulée par-delà les étoiles les plus lointaines. On assistait à des exodes de populations entières lorsque l’un de ses concerts était annoncé. C’est en l’an 28800, que B.B. annonça la prise prochaine de sa retraite. Cette annonce causa une vague de suicides jamais vue jusqu’alors ! Quelques siècles seulement après son départ, B.B très réduit par la vieillesse et la rouille, grilla ses derniers circuits et quitta ce monde après presque 27000 ans d’existence, rentrant ainsi dans le tristement célèbre club des 27. Sur son lit de mort, B.B. exprima la volonté qu’on envoie sa dépouille dans le passé en 2018, dans la mythique salle de concert de La Puce à l’Oreille où son corps serait exposé au public. Il disait vouloir retrouver l’énergie de ces salles d’avant-guerre apocalyptique, l’âme qui les habitait et les merveilleuses personnes qui les faisaient marcher. Que sa volonté soit faite. **Nota bene** On raconte que lors de l’inhumation galactique de B.B., la puce électronique Jimmy, ivre de tristesse, aurait entrepris un voyage temporel vers les année 1960/70 pour se greffer à un nouveau musicien et lui apprendre le rock tel qu’elle l’avait connu dans le futur.
Nos paysages, qu'ils soient urbains ou ruraux, sont remplis d'innombrables friches industrielles. Des bâtiments souvent titanesques complètement laissés à l'abandon. Nous passons devant tous les jours sans même savoir ce qu'on y fabriquait. Pourtant ces bâtiments sont là. Des verrues dans le pied des urbanistes. Des terrains de jeux pour d'intrépides explorateur·rice·s. Des temples grandioses, témoins d'un mystérieux passé pour quelques féru·e·s d'histoire. Le lierre rentre par les fenêtres cassées, l'eau s'écoule des toitures écroulées et les bâtiments s'effacent peu à peu... Mais parfois des rêveur·euse·s investissent les lieux et tapissent les murs de leurs utopies. _Saul, l'ange déchu de la révolution industrielle, charrie les nuages depuis le toit de ces usines. Son regard mélancolique porte la voix de toutes celles et ceux qui ont jadis usé de la main et de l'outil en ces murs.